Agir pour apprendre : Pratique de la production orale communicative intensive

Henri DUPRAZ et Dominique LE RAY


I hear and I forget
I listen and I remember
I do and I understand
(Chinese proverb)

Introduction
On entend souvent dire dans les média que le niveau en anglais des français n'est pas bon. Même s'il faudrait nuancer, force est de constater que l'immense majorité de nos élèves, après 3 ans en primaire, 4 ans au collège plus les années de lycée ou de lycée professionnel n'ont bien souvent pas atteint le niveau de "fluency" en anglais oral qu'on est en droit d'attendre.
Que voit-on dans les cours de langue ? Quelle méthodologie est mise en place ?
En 6ème et 5ème : l'audio oral visuel : répétitions, quelques bribes de commentaires et discours rapporté, beaucoup de grammaire.
En 4ème et 3ème : l'entraînement aux prises de parole de type commentaires.
Au lycée : essentiellement le commentaire de texte.
Les dialogues sont transformés en discours rapporté et les textes écrits, les films, etc. en langue de commentaire, langue élaborée et complexe d'une troisième personne extérieure, qui ne participe pas à la communication. Le professeur demande aux élèves de faire part de leur compréhension et de leur interprétation, et des formes linguistiques de plus en plus complexes sont introduites.
En réalité cette langue complexifiée du commentaire n'est que rarement utilisée par des locuteurs natifs en situation pragmatique d'échanges puisqu'elle n'est pas une langue de communication directe, elle n'est justifiée que par le contexte scolaire et le type d'activité qui la suscite. Des pans essentiels de l'anglais oral ne sont travaillés que du point de vue grammatical, et par la suite les élèves ne sont quasiment jamais mis en situation de les réemployer (citons les tags par exemple). En sortant de Terminale, nos élèves connaissent whereas, contrary to, all the more as, etc., mais n'emploient pas spontanément un tag. Comment vont-ils "se débrouiller" hors de l'école avec cette langue de type indirecte et souvent livresque?
Depuis des années, et même dans les Instructions Officielles les plus récentes, on met la compréhension avant l'expression. Les élèves ne s'expriment rarement en anglais autrement que pour rendre compte de ce qu'ils ont compris. Le résultat, c'est que bien souvent seuls les plus motivés parmi les meilleurs prennent la parole et la majorité se tait. Dès la 4ème une passivité désolante est souvent constatée chez les élèves. Combien par classe peuvent passer un trimestre entier sans prononcer plus de 2 ou 3 phrases?
Le système traditionnel, en collège comme en lycée, mène trop souvent soit à une connaissance théorique d'une langue peu conforme à la réalité de l'anglais oral courant, soit dans le pire des cas, à une incapacité chronique à dire spontanément la moindre phrase en anglais.
C'est pourquoi nous proposons la mise en place d'une stratégie de développement de la production orale communicative intensive, d'un enseignement orienté vers l'action communicative. La prise de parole en continu d'une part et une simulation d'échanges ou d’interaction verbale d'autre part permettent à l’élève de concrétiser son apprentissage. Enseigner une langue de communication, c'est faire parler l'élève à la première et à la deuxième personne. L'élève doit être acteur d'un échange, pas analyste comme un intellectuel, ni commentateur comme un journaliste.
Prendre la parole, agir, se confronter à la langue de communication, voilà le seul moyen de progresser. Nous suggérons une remise en cause des schémas traditionnels du cours d'anglais au profit d'un enseignement basé sur l'action : multiplier les occasions de parler, d'essayer, de se lancer. Nous proposons de développer d'abord et en priorité la compétence d'expression orale. Et nous faisons le pari que le reste suivra.
Nous sommes tous deux professeurs de collège et bien sûr nos propositions et nos exemples d'activités concernent essentiellement le collège. Nous sommes cependant persuadés que ces idées sont non seulement applicables au lycée, mais qu'un changement radical y est encore plus urgent. D'aucuns nous objecteront le bac écrit. Et alors ? D'abord il ne concerne que la classe de Terminale, pas les autres. Ensuite, la tendance est aux examens oraux (BTS, Bac STG), et pour finir, un élève capable de produire spontanément de l'anglais oral sera d'autant plus à l'aise pour l'anglais écrit. Apprenons à nos élèves à parler, et ils sauront écrire.
Nous vous proposons donc :
- un état des lieux de l'anglais au collège et au lycée,
- la mise en place d'un entrainement intensif systématique à l'expression orale
- et enfin des exemples d'activités mises en oeuvre dans nos cours.